Chroniques

par laurent bergnach

Giovanni Battista Pergolesi
Adriano in Siria | Hadrien en Syrie

2 DVD Opus Arte (2011)
OA 1065 D
Adriano in Siria, opéra de Giovanni Battista Pergolesi, filmé en juin 2010

En 2010, la Fondation Pergolesi Spontini annonça que tous les opéras de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) allaient être enregistrés et publiés en DVD. Il s’agit bien évidemment des ouvrages conservés – soit quatre opere serie, deux intermezzi et deux comédies –, puisque certains sont aujourd’hui perdus, tel Nibbio e Nerina, l’intermezzo qui accompagnait Salustia, commande du Teatro San Bartolomeo (Naples) sur un livret d’Apostolo Zeno, monté en janvier 1732. Ainsi fut filmé Adriano in Siria (Hadrien en Syrie) au Théâtre de Jesi qui porte le nom du compositeur natif de cette ville de la région des Marches, proche d’Ancona et de Pesaro, les 8 et 12 juin 2010. On en doit le livret à Pietro Metastasio (Métastase), déjà mis en musique par Caldara (1732) et Giacomelli (1733), réadapté et réécrit pour la création napolitaine du 25 octobre 1734, avant de l’être de nombreuses fois encore.

L’action de ce dramma per musica transporte le spectateur à Antioche, en 117 après Jésus-Christ. Au lever de rideau, l’empereur de Rome a vaincu Osroa, roi des Parthes, dont il retient prisonnière la fille Emirena. Bien que fiancé à Sabina, Adriano tombe amoureux d’Emirena, si bien qu’il refuse de la relâcher lorsque Farnaspe, prince parthe lié à la jeune femme, vient réclamer sa libération. De son côté, Aquilio, le confident du souverain, souhaite conquérir Sabina, la fiancée délaissée, et fait son possible pour rapprocher Emirena de son ennemi. Lorsqu’Osroa et ses guerriers mettent le feu au palais d’Adriano, c’est Farnaspe que l’on accuse et emprisonne. Ce premier acte n’est que prémisse à de nombreux rebondissements menant à un dénouement des plus heureux.

Avec efficacité, Ignacio García dirige les chanteurs de cette production, habillés par Patricia Toffolutti, dans un décor unique signé Zulima Memba del Olmo. Marina Comparato possède le charisme nécessaire à défendre le rôle-titre, en plus de sa fermeté vocale, sa précision et ses ornements réalisés sans excès. De même, Lucia Cirillo campe Emirena avec de la présence et un chant bien conduit au grave charnu. Malgré ses efforts de nuances, Annamaria dell’Oste (Farnaspe) déçoit, en comparaison : le soprano manque de stature et son émission est souvent hachée ; désincarné, il laisse même le hautbois lui voler la vedette durant un duo émouvant à demi.

Pour incarner Osroa, Stefano Ferrari lui aussi manque de dimension et de tonus, et son chant est perfectible (récitatif nasillard, grave peu flatteur, etc.) – ce que nous constatons après l’entracte, avec un gain d’onctuosité, par exemple. Francesca Lombardi incarne Aquilio avec talent. Enfin, saluons la performance de Nicole Heaston (Sabina) qui rend parfois terne celle de ses camarades tant elle réunit de qualités de fond et de forme : couleur chaude, évidence de l’émission, legato nourri, respect du style baroque, etc. Insistons sur le fait que l’artiste s’avère expressive sans vraiment jouer, de part la nature de l’inflexion musicale. Retrouvons-la bientôt sur scène (Falstaff à Lausanne, fin mars 2012) et prédisons-lui une grande carrière !

Outre la direction pleine d’élan d’Ottavio Dantone, lequel brille par ses contrastes et sa précision à la tête de l’Accademia Bizantina sur instruments d’époque, il faut signaler encore deux chanteurs des plus attachants, Monica Bacelli et Carlo Lepore, qui viennent détendre le public avec l’humour farceur de Livietta e Tracollo – encore connu sous le titre La contadina astuta (La fermière rusée). Auteur de plusieurs opere buffe, Tommasso Mariani écrivit le livret de cet intermezzo prévu dès l’origine pour alterner avec les trois actes d’Adriano. La rareté de l’événement n’échappera pas aux amateurs du genre.

LB